La santé des ongles, ce que tu dois savoir
Ce petit bout de kératine est en lien étroit avec notre état de santé global. Ainsi, de nombreuses pathologies peuvent affecter ongles des pieds ou des mains. La patience est le maître-mot pour les soigner comme il se doi(g)t.
Longtemps négligés, les ongles intéressent aujourd'hui davantage médecins et scientifiques. Ignorant de quoi ils étaient faits, les Anciens considéraient même qu'ils n'appartenaient pas au corps. Face à cette énigme, le corps médical resta longtemps démuni. Une futilité, l'ongle ? Presque. Car si des patients souffraient des ongles, les médecins ne s'en souciaient guère et, surtout, ne disposaient que de connaissances sporadiques pour les soigner. Ce n'est qu'au cours du XXe siècle que la science de l'ongle a vraiment pris son essor, sous l'égide notamment du Pr Robert Baran, dermatologue passionné par ce petit bout de notre anatomie. Aujourd'hui, la France compte à peine une dizaine de spécialistes en pathologies unguéales aussi dénommés onychologues.
Mais que sont ces si mystérieux ongles ?
Une plaque de kératine dure, qui recouvre l'extrémité dorsale des doigts et des orteils, fabriquée par la matrice de l'ongle, sa racine, dont la partie visible est la lunule (petit croissant blanc à la base de l'ongle). L'ongle se colle sur une zone rose qu'on voit par transparence, le lit de l'ongle. À sa base, la cuticule joue le rôle d'un joint d'étanchéité. L'ongle pousse en continu, il se renouvelle en 6 à 12 mois.
À quoi servent-ils ?
Les ongles sont là pour protéger l'extrémité des doigts et des orteils. Ils ont aussi un rôle dans la préhension et la sensibilité.
Qui sont les spécialistes de l'ongle ?
Le dermatologue dans la majorité des cas, voire le podologue pour les aspects plus mécaniques.
De quelles maladies peuvent-ils souffrir ?
On distingue les pathologies des ongles des mains et celles des pieds. Voici les plus fréquentes pour chaque zone.
Les mains
Ongles décollés (onycholyse)
C'est un motif très fréquent de consultation. Il peut être causé par des travaux humides fréquents sans gants, le passage intempestif de la lime sous l'ongle, du psoriasis, des médicaments, ou des champignons. Le traitement consiste à couper les tablettes à ras pour préciser le diagnostic et faire un prélèvement si besoin. Effrayant mais pas douloureux. Avec une éviction de l'eau, le nouvel ongle pourra ensuite repousser collé à son lit.
Ongles avec petits traits blancs
Non, ce n'est pas le signe d'un manque de calcium, comme nous sommes très nombreux à le penser ! Juste celui d'un trouble de la kératinisation. Ces taches apparaissent ponctuellement, par exemple après un petit choc sur la base de l'ongle. Avec la repousse, cette tache blanche va partir toute seule. À noter : dans certaines familles, tout le monde a des taches blanches en permanence sur les ongles, sans aucun caractère de gravité.
Inflammation sous le repli de l'ongle (paronychie chronique)
Cette affection du contour de l'ongle est généralement due à l'humidité et aux travaux ménagers. Or, si la cuticule ne joue plus son rôle d'étanchéité, tout rentre sous ce repli, y compris les bactéries. Le médecin prescrira un traitement local antiseptique, anti-inflammatoire et, surtout, une éviction stricte des contacts avec l'eau et l'humidité indispensable à la guérison.
Ongles avec larges barres transversales blanches
Plus rares, elles sont dues à un trouble de la kératinisation de l'ongle et ont différentes causes. « J'ai reçu en consultation Jean, un alpiniste. Quelques semaines après une ascension du Mont-Blanc, il a vu apparaître sur presque tous ses ongles de larges barres transversales blanches. Ce sont les « Everest nails », dues à la mauvaise oxygénation des matrices de l'ongle, et leur largeur varie en fonction du temps passé à haute altitude », explique le Dr Goettmann, dermatologue à l'hôpital Bichat.
Ongles avec lignes noires
Elles sont la conséquence d'une légère hémorragie sous l'ongle faisant suite à un modeste traumatisme (bricolage...) et sont sans aucune gravité. À ne pas confondre avec des lignes verticales prononcées (mélanonychie longitudinale). Souvent bénignes, elles peuvent dans de rares cas être le signe d'un mélanome de l'ongle. D'où l'importance d'écarter ce diagnostic.
Les pieds
Mycoses
Elles concernent environ 23 % de la population en Europe et elles sont beaucoup plus fréquentes aux pieds qu'aux mains. Leur fréquence augmente avec l'âge. Due à des champignons, l'onychomycose n'est pas une maladie grave en elle-même, mais longue à soigner. Les signes ? Un ongle épaissi et jauni, devenu friable et qui se décolle. Après un prélèvement pour confirmer la mycose (nombre de mycoses suspectées n'en sont pas, en fait !), le traitement classique consiste à appliquer un vernis antimycosique chaque semaine et à poncer les parties abîmées, pendant au moins un an pour un gros orteil.
Ongles incarnés
Fréquent aux orteils, il se manifeste par une rougeur et un gonflement des replis dans lesquels s'enclave la tablette, un suintement et des douleurs. Un nettoyage régulier, des soins antiseptiques et le désenclavement de l'ongle par un dermatologue ou un podologue sont nécessaires.
Panaris
Celui-ci se traduit par un gonflement rouge et douloureux autour de l'ongle et s'explique par la présence d'une infection souvent à staphylocoque doré, le microbe ayant pénétré dans les tissus par une plaie. Le traitement ? Des bains antiseptiques et des antibiotiques locaux et/ou généraux selon les cas. En présence d'une poche de pus, le médecin interviendra chirurgicalement pour l'évacuer.
Cor sous l'ongle
C'est possible et même fréquent ! Le port de chaussures non adaptées à la forme du pied entraîne des frottements anormaux des ongles contre le bout de la chaussure ou sur la semelle. L'ongle s'épaissit alors et un durillon ou cor (corne compacte) peut se former. Le médecin doit alors découper une partie de l'ongle afin de décaper le rond corné enchâssé dans le lit de l'ongle. Les douleurs sont immédiatement soulagées, mais si la position de l'orteil dans la chaussure n'est pas corrigée, il reviendra.
Ongles mous et cassants
C'est un motif de consultation plus esthétique, mais néanmoins très fréquent. Y a-t-il des traitements pour avoir de beaux ongles solides ? « L'ongle en place n'est pas celui que vous aurez dans 6 mois. Un traitement local (lotion, vernis) ne peut améliorer que l'ongle en place. Si vous voulez améliorer la matrice et la kératinisation, il faut forcément suivre un traitement par voie générale, gélules par exemple. Quelques études ont montré l'efficacité de la biotine (vitamine B8) sur le processus de kératinisation, ainsi que des associations de vitamines (B6, C et E) et d'acide gras (huile onagre) », souligne le Dr Goettmann.
Des conseils pour rester vernis
« Bien utilisé, le vernis protège les ongles - notamment ceux mous et cassants - et limite leur déshydratation, en plus de les embellir », souligne le Dr Goettmann, tordant ainsi le cou à une idée très répandue. Depuis quelques années, on trouve de plus en plus de vernis respectueux de l'environnement et dépourvus de certaines substances, notamment toluène, formaldéhyde, phtalate de dibutyle, camphre, etc... « Mais jusqu'à présent, plus les constituants de base sont remplacés, moins la tenue est durable », estime la dermatologue. Depuis 2010, on trouve aussi sur le marché des vernis semi-permanents. Ces vernis gel, qui se posent en plusieurs couches, tiennent trois semaines en moyenne. Il est conseillé de faire des pauses d'au moins 4 semaines entre deux applications, car à la longue les ponçages pour les enlever abîment les ongles.
Interview
Le Dr Sophie Goettmann est dermatologue spécialiste des maladies unguéales, à l'hôpital Bichat.
Que dit l'état de nos ongles sur notre état de santé ?
L'ongle est composé de kératine, une matière inerte, mais la matrice de l'ongle est vascularisée et innervée, donc en lien permanent avec le reste du corps. La qualité de la kératine est le reflet de l'état de santé global et des structures qui soutiennent l'appareil unguéal. Toutes les maladies peuvent donc avoir un retentissement sur l'ongle, mais ce n'est pas systématique. Ainsi, quand une maladie vient perturber l'organisme de façon sévère, la pousse de l'ongle peut ralentir ou s'arrêter. L'apparition de lignes transversales témoigne de divers stress majeurs pour l'organisme comme un infarctus, un accident vasculaire ou un accouchement... Une courbure anormale des ongles, appelée « hippocratisme digital », s'observe dans nombre de maladies cardiaques ou pulmonaires avec une chute d'oxygène dans le sang. Mais à l'inverse, on peut être très malade, à l'article de la mort, et avoir des ongles parfaits.
Certaines caractéristiques des ongles peuvent-elles être un élément de diagnostic d'une pathologie grave ?
Oui, mais c'est rare. Le syndrome des ongles jaunes, épais et qui ne poussent plus s'associe à une maladie respiratoire chronique (sinusite chronique, dilatation des bronches ou emphysème). Mais on ne sait pas pourquoi les ongles prennent cet aspect, heureusement réversible. J'ai aussi fait quelques diagnostics d'amylose (dépôt dans certains organes comme les reins ou le cœur de substance amyloïde, ce qui va en gêner le fonctionnement). Quand cette substance se dépose dans les matrices des ongles, cela donne un aspect de lichen avec des ongles très striés. Les ongles ont révélé l'amylose, qui a révélé le myélome, un cancer de la moelle osseuse.